À chaque fois que le métro s’arrête entre deux stations et que je reste bloquée pendant de longues, très longues minutes dans le noir avec des gens qui soupirent leur frustration que j’entends à travers mes intra-auriculaires, je pense au timing.
À chaque fois que je bois un verre en terrasse avec une copine qui me dit que si elle avait rencontré ce type à un autre moment de sa vie, peut-être que ç’aurait été le bon, je pense au timing. Peut-être qu’ils seraient encore ensemble là, à boire des coups tous les deux sur une autre terrasse parisienne sans chauffage, à débattre sur les Gilets Jaunes ou à essayer de comprendre si Flavien Berger est un génie musical ou un simple fou.
À chaque fois que j’arrive en retard à une réunion et que je me retrouve sur la chaise bancale qui menace de s’écrouler sous mon poids à chaque fois que je gigote pour caler mes pieds, je pense au timing.
À chaque café froid que je bois en oubliant que je me l’étais fait il y a deux heures, je pense au timing.
À chaque thé brûlant que je bois en oubliant que je ne lui ai pas laissé le temps de refroidir, je pense au timing.
À chaque fois que je fais la queue chez Monop et que la queue d’à côté qui avait pourtant 8 personnes de plus que la mienne, avance beaucoup plus vite et qu’une personne dit alors “alors ça c’est bien ma veine, je ne choisis jamais la bonne queue”, je ris. Puis je pense au timing.
À chaque fois que je trouve un mec mignon dans un ascenseur et me crée une vie imaginaire avec lui le temps de quelques étages, puis qu’il ne me laisse pas sortir de l’ascenseur en premier, je pense au timing.
À chaque fois que les gens tombent amoureux, se séparent, ratent un avion, tombent malades, tombent tout court, à chaque fois qu’un iPhone rend l’âme alors que l’on attend un coup de fil capital, à chaque entretien, à chaque fois qu’un colis se perd le jour d’un anniversaire, à chaque fois que l’on arrive pile à la première tournée de shots, à chaque fois que notre Uber annule sa course, à chaque fois que mon thé est trop infusé, qu’un hélicoptère passe au dessus de ma rue quand je décroche un appel, qu’un marteau piqueur se déclenche quand ma musique s’arrête, à chaque fois que je manque de faire tomber mon téléphone et le rattrape in extremis, que le mec devant moi chez le traiteur chinois prend le dernier vapeur végétarien, que l’on annonce à mon pote que la table d’à côté a commandé le dernier cheesecake, à chaque fois que l’on fête l’anniversaire de mon père, à chaque fois que l’on fête mon anniversaire à moi, à chaque fois que je pense à Disiz La Peste et à son McMorning, à chaque fois que je rate un appel, à chaque fois qu’une personne tombe enceinte, à chaque fois qu’une personne apprend qu’elle ne tombera jamais enceinte, à chaque mariage, à chaque enterrement, à chaque achat d’appartement, à chaque “et c’est comme ça qu’on s’est rencontrés”, à chaque 13 novembre, à chaque fois que je mange un avocat trop mur, à chaque fois que je suis dans un avion et que l’on quitte le tarmac.
Je pense au timing.