Ce matin en marchant sous la pluie parce qu’il n’y avait toujours pas de métros corrects — pour la sixième semaine consécutive — j’ai dû, comme à chaque fois que la pluie s’abat sur Paris, éviter des centaines de parapluie.
On peut reprocher beaucoup de choses à la capitale, mais l’une des choses que l’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’en y vivant, on développe des réflexes de ninja. En fait, ce n’est pas vraiment par choix, plutôt par survie. Ceux qui s’arrêtent au milieu de la rue, ne regardent pas les vélos en traversant alors que des voitures sont à l’arrêt, ratent une marche, regardent leur téléphone en descendant les escaliers alors qu’ils ne maîtrisent pas le multitasking, et tous les autres qui ne savent pas éviter les cigarettes jetées par des personnes ivres sur des bouts de trottoir, ont vite déchanté et sont retournées vivre dans des villes qui ne tentent pas de vous tuer à chaque fois que vous clignez des yeux.
J’étais donc sur un trottoir trop étroit en train d’opérer la danse parisienne classique qui consiste à éviter les coups d’épaules et les totes bags pointus, auxquels s’ajoutaient ces parapluies par centaines, quand j’ai eu une épiphanie : les parapluies sont le parfait exemple de ce qui ne va pas dans notre société, et ce pourquoi on court à notre perte si l’on ne change pas notre façon de penser.
Ah oui si vous vouliez un article léger qui parle de micro-pénis et d’oeufs au plat, ce n’est pas pour aujourd’hui. Mais restez on va rire vous allez voir.
Alors, pourquoi les parapluies illustrent-ils ce qui ne va pas dans notre société ? C’est assez simple. Les parapluies sont utilisés lorsque l’on souhaite se protéger de la pluie. La majorité des gens en a, dès qu’il pleut trois gouttes, tout le monde recherche son parapluie vieux de dix ans avec la moitié des fourchettes (les petits trucs en métal qui permettent de plier le parapluie) (si, ça s’appelle comme ça j’ai vérifié) qui est cassée, et la majorité des baleines (les grands trucs en métal qui tiennent la toile) (oui j’ai vérifié aussi) qui se fait la malle, et sur lequel est noté un nom délavé de marque, de nom d’agence, ou d’un truc que l’on ne connaît même pas, parce que avouons-le nous ; personne ne sait d’où vient son parapluie. Pourquoi ça ? Parce que PERSONNE n’achète de parapluie, mais tout le monde les pique. Si si, je le sais, vous le savez et le pote qui a laissé son parapluie chez vous il y a huit ans le sait (Pierrot si tu nous lis, ton parapluie noir est en sécurité).
On prend un parapluie quand il pleut, et on le sait, ce truc gêne tout le monde. C’est encombrant, pas pratique, et les trottoirs deviennent des lieux de combats sans règles ni lois quand il s’agit de passer à deux personnes munies de parapluie sur un trottoir d’un mètre de large. Mais l’on continue d’en prendre un, sans se soucier du confort commun, alors que l’on pourrait mettre une veste avec une capuche pour ne pas prendre l’eau — ou faire comme moi et être en pull même lorsqu’il pleut, et avoir l’air de sortir d’une machine à laver un jour sur deux, et s’en foutre totalement — et par conséquent, ne pas gêner autrui.
Mais, pour le look, pour la classe, pour ne pas avoir à changer de veste alors que ça ne va pas avec notre pantalon, les gens optent pour cet instrument de l’enfer et décident que leur confort à eux, vaut bien l’inconfort des autres.
Et, est-ce que ce n’est pas là l’un des problèmes majeurs de notre société actuelle ? Privilégier notre confort individuel plutôt que de voir plus global, plus loin, et devoir sacrifier des choses que l’on pensait nous être dues ?
C’est vrai ça, pourquoi est-ce que l’on devrait limiter nos déplacements en avion ? Pour minimiser les émissions de gaz à effet de serre ? Non mais attendez, on les a méritées ces vacances quand-même !
Pourquoi arrêter de manger de la viande ou limiter notre consommation ? Par conscience que les animaux sont des êtres dotés de sensibilité qui agonisent toute leur vie dans le seul but de se faire manger par hédonisme des Hommes ? Non mais on ne va pas arrêter de manger du foie gras, c’est trop bon ! Puis c’est Noël !
Comment ça on devrait faire davantage attention aux marques que l’on consomme ? Oui bah on ne va pas acheter des pantalons à 250€ quand on peut en avoir un à 8€, non ? Attends, si l’on ne peut même plus faire les soldes et faire de super affaires, c’est nul non ?
Trier ses déchets ? Il faut deux poubelles, ça prend de la place.
Voter ? On est dimanche, la flemme.
Faire ses courses en vrac ? C’est chronophage.
Acheter moins ? Mais j’ai le droit de dépenser mon argent ! C’est MON argent. Donner mon temps aux plus démunis ? Mais je n’ai même pas le temps d’aller à la salle de sport !
Passer vegan ? Mais je viens juste de passer veggie !
Arrêter Uber ? Mais y’a pas de transports !
Ne pas jeter mes cigarettes par terre ? Mais ils nettoient les rues !
Arrêter le sopalin et passer aux chiffons en microfibres ? Mais c’est vachement moins pratique !
Arrêter de consommer de l’huile de palme pour ne lutter contre la déforestation et la disparition des orangs-outan ? Ah ouais mais les Kinder Bueno c’est trop bon !
Là, à ce niveau de l’article, vous êtes normalement un peu énervés. Parce que je tape où ça fait mal. Ces comportements, je les ai entendus, de la part de personnes bien, de personnes concernées, mais qui ont vécu dans des modèles où l’on nous mettait nous en premier. Où la facilité primait, et où les comportements individuels étaient considérés comme normaux, comme totalement acceptables. Quitte à ne pas considérer l’autre.
Ces comportement-là, je les ai vécus, et moi la première, j’ai des façons de faire qui sont encore totalement ancrées dans ce modèle individuel. Je prends beaucoup beaucoup beaucoup trop l’avion, je prends parfois des cafés à emporter dans des cups en cartons plastifié, je consomme du fromage, je n’achète pas tout en vrac et je consomme des produits importés. Et encore des dizaines d’autres choses que je fais parce que c’est plus facile, que je n’ai pas envie de changer mes habitudes, que ça nécessiterait que je m’informe davantage sur les substituts, sur les solutions envisageables, mais que je décide de ne pas changer. Par hédonisme, par égoïsme.
Le but ici n’est pas de faire un concentré de toutes les vidéos / articles / conférences / TEDs que l’on consomme tous les jours. Ni de dire que personne ne fait assez. Mais plutôt de souligner le fait que, lorsque l’on prend une décision, nous ne sommes plus les seuls impactés. Et désormais, on le sait. On ne peut plus se cacher derrière notre ignorance, ou le fait que les catastrophes sont encore loin. C’est en train d’arriver, on a déjà foiré le futur, on a déjà foiré l’avenir de la planète. Nous et les générations bien avant nous. Mais on peut changer notre façon de penser, mettre de côté la recherche hédoniste perpétuelle, et se dire que nos efforts serviront les autres, nous serviront à tous, et ne condamneront pas les plus faibles. Parce que ce sont les plus faibles, les moins protégés, les moins riches, ceux qui n’ont pas la parole, qui partiront en premier. Ne soyons pas ceux qui s’en foutent et qui mangent du foie gras en regardant les news. Qui s’indignent devant la
catastrophe qui arrive aux Australiens mais qui ne changent rien à leurs habitudes. Ne soyons pas ces gens-là.
Tout ça pour vous dire quoi au final ? Ah oui, mettez des capuches.