Je reviens de deux mois passés dans un pays dans lequel il y a de la place, où que tu veuilles aller. Pas besoin de faire de réservation, les gens sont arrangeants, tu peux aller déjeuner pieds nus parce que de toute façon tout le monde sort aussi de sa session surf et a encore de la crème solaire water résistante bleue sur le nez, et il y a toujours de la place en terrasse.
Je ne vais pas vous mentir, c’est pas agréable, c’est juste vital. Mais à chaque fois que je me rends dans un pays où l’espace n’est pas un problème, revenir à Paris est un peu… brutal.
Hormis le fait que les gens te rentrent dedans même quand tu es à l’arrêt ou que certaines personnes font des tours autour de toi quand elles sont au téléphone, visiblement stressées, le problème de place que l’on rencontre à paris me surprend toujours, même après plus de dix ans à tenter de m’extirper à chaque fois que je m’assieds ailleurs que chez moi.
Et après deux mois à écouter le ronronnement de la faune et la flore sud-africaine, passer deux heures dans un bar à Paris a été plus épuisant que de mettre une housse de couette dans un lit.
A Paris en février, il pleut. Marcher sous une petite bruine pendant 20min qui fait passer mes cheveux ondulés effet “je sors de la plage” à “j’ai une méduse à la place des veuch” n’est pas des plus agréables, mais l’idée du métro moite où les gens te collent pour danser du couper/décaler sur Magic System alors que tu as envie de rêvasser sur du The Blaze n’est pas envisageable.
Après un CityMapper en galère faute de gouttes d’eau qui viennent s’écraser sur mon iPhone, je finis par arriver audit bar. Pour pouvoir tirer la porte, il faut reculer sans tomber de la petite marche sur laquelle je me trouve, l’architecte avait le sens de l’humour, j’apprécie et je ne tombe pas mais vacille un peu. On a trouvé un bar où les cocktails sont archi bons et les serveurs super efficaces, je me dis que j’exagère et que l’image que j’avais des bars a peut-être changé.
Je me dis ça à 19h14.
A 20h j’ai envie de retrouver la petite marche et de me jeter de m’y jeter, rien que pour pouvoir avoir de l’air à respirer le temps de ma (courte) chute.
Nous sommes désormais plus de 7 milliards sur terre, et plus de 3 milliards dans ce bar. Le mec mignon avec lequel je eye contactais depuis quelques temps est désormais noyé dans une foule de barbus qui sentent le tabac froid et le cuir de Made.com. Je fais le deuil de mon potentiel futur mari et décide d’aller aux toilettes, ce qui me prend environ 17 minutes, tentant maladroitement de slalomer entre les groupes d’amis, les beaucoup trop nombreux sacs à mains (on parle du sac à main + du tote bag pour une seule et même personne ?) et les cocktails remplis à ras bord qui virevoltent sur les plateaux, m’excusant à chaque fois que mes épaules ne passent pas— c’est à dire partout— même pas dans la porte des toilettes où j’ai dû rentrer en crabe.
A 20h23 j’ai envie de fumer une cigarette et vois que les trois mètres qui me séparent de la sortie sont encombrés par environ 23 personnes—par mètre carré. Deux mois sans sport, j’ai plus vraiment de muscles, et la percée risque d’être compliquée. Si j’étais mariée à un rugbyman on n’en serait pas la, mais un rapide regard vers le bar me rappelle qu’à Paris les gens font moins de 70 kilos, peut-être pour pouvoir se rendre dans ce genre de bar d’ailleurs.
J’hésite à allumer une cigarette en plein milieu du bar et croise le regard du serveur qui me donne l’impression de lire dans ma tête et me dévisage. Je m’extrais de mon tabouret en donnant quelques coups de coude et marche sur deux trois manteaux The Kooples avant de foncer dans le tas en souriant. Personne ne m’engueule et je parviens enfin à sortir, me demandant si je devrais fumer tout mon paquet pour rentabiliser cette petite victoire qui m’a menée au monde extérieur — où il pleut, encore.
A 21h je m’avoue vaincue et sort du bar, après 8 minutes de “pardon” “excusez-moi” “attention derrière” “ok je vais vous abattre madame si vous ne vous poussez pas par contre maintenant” et pars trouver une terrasse vide où je peux m’étirer entre deux frites, sans casser trois salières et deux suspensions.