Si l’on devait compter les centaines d’heures passées à essayer de comprendre les hommes et les facturer, j’aurais pu acheter l’île sur laquelle je vis et en faire un sanctuaire animalier, avec ma maison au milieu, et celles de vacances de mes amis et ma famille. Le tout, avant mes 25 ans. Malheureusement, comprendre les tenants et les aboutissants de nos dates et autres friends with benefits sont des heures supplémentaires impayées. Je mets ça dans la catégorie volontariat, en me disant que nos discussions mises bout à bout me permettent d’écrire des articles, et de boire des cocktails en compagnie de femmes incroyables que je connais depuis un jour, un mois, un an, ou dix.
Le dating, c’est un peu comme la mode ; chaque année a son lot de nouvelles tendances. Pour certaines, on les avait vues arriver de loin, pour d’autres, elles sont une surprise. Mais que l’on aime ou pas, elles ont cette originalité et cet esprit novateur : les jupes pour hommes, les kilts pour femmes, le mankini, les pervers narcissiques. Rappelez-vous en 2015, quand le pervers narcissique entrait dans le game du dating et se pointait à tous les dates du vendredi soir, et à tous les brunchs du dimanche. Il engouffrait nos amies, nos sœurs, nos collègues, et soyons honnêtes : il nous engouffrait nous aussi parfois. Puis le pervers narcissique est devenu facile à identifier ; on était devenues plus vigilantes, on avait enfin (parfois) décidé de considérer les red flags, et on ne se faisait (quasiment) plus avoir. Puis il y a les tendances qui reviennent régulièrement, que l’on a bien connues et dont on se souvient très bien, ou que l’on a juste eu le temps d’oublier pour se les manger dans la tête façon boomerang que l’on n’avait pas vu dans le parc : les monogrammes énormes, les années 30, le full colorblock, les sacoches bananes… et les ghosteurs. C’est lors d’une énième conversation avec des copines qui me racontaient que leur date les avait tout simplement ghostées après s’être vus quelques fois, ou cinquante, que je me suis dit que :
- J’étais vraiment chanceuse d’avoir rencontré l’homme de ma vie et de l’avoir épousé
- J’étais vraiment chanceuse qu’il soit une personne fondamentalement incroyable
- Il fallait que je rachète du café
- Il fallait vraiment que j’écrive sur cette tendance revival du ghosting dont on se serait — comme pour les monogrammes — bien passée.
Qu’est-ce que le ghosting ?
Selon Urban Dictionary (parce que qui a besoin du Larousse quand on a le Urban Dictionary) : Ghoster est l’effet de cesser toute communication avec une personne, subitement, sans lui avoir donné son intention préalable. Le ghosting peut se faire en évitant des appels, en ignorant des messages ou des DMs sur les réseaux sociaux, mais aussi en évitant la personne en public. Parce que pourquoi être désagréable et impoli online quand on peut aussi l’être dans la vraie vie.
Pourquoi les ghosteurs se tirent-ils une balle dans le pied ?
En 2023, et dans certains pays occidentaux, les femmes peuvent faire leurs propres choix. Et après des siècles à nous dire que l’on ne devait coucher qu’avec celui qui deviendrait notre mari, dans le but d’avoir des enfants et d’assurer sa descendance ; la libération sexuelle s’est faite.
Amen.
Dans certains pays, il est donc normal d’avoir des relations d’un soir, d’avoir des relations sexuelles simplement pour kiffer, et explorer nos désirs et envies, avec un ou plusieurs partenaires, avec ou sans sentiments, toujours avec consentement, merci. Mais pour certains hommes, j’ai nommé les ghosteurs, c’est encore compliqué à accepter et à assimiler l’idée que les femmes ne veulent pas leur passer la bague au doigt après le premier date, ou jamais. Par manque de communication de, que cela soit de la part de l’un, de l’autre, ou des deux, le ghosteur choisit de disparaître de la surface de notre Google Calendar, avant même que les femmes aient le temps de dire “Mais je voulais juste un plan couette™ régulier”. En plus d’être impoli, et de laisser la personne avec laquelle il échangeait — paroles, messages, salive ou autre — complètement en carafe, il perd potentiellement des mois de sexe consenti avec une femme formidable. Le ghosteur arrosé.
Comment réagir quand on se fait ghoster ?
J’ai entendu, lu et vu des dizaines d’histoires de ghosteurs, et chaque personne a ses envies, et ses solutions. Mais si je pouvais conseiller quelque chose — ce serait de faire ce qui vous semble bon pour vous. Je fais partie des gens qui ont besoin de dire les choses, même si cela ne sert parfois à rien. Je comprends bien le “ce qui semble devoir être dit n’est pas toujours bon à être entendu”, mais quand je ne comprends pas pourquoi une personne a agi d’une telle façon, j’ai besoin de le lui dire. Mais, si après que l’on vous ait ghostée, vous voulez passer à autre chose et fermer la conversation avec le ghosteur : c’est vous qui choisissez ce qui est le mieux pour votre santé mentale. La seule chose que j’éviterai, c’est de ghoster à votre tour. Ça peut paraître logique, mais on a parfois l’envie de se comporter de la même façon avec d’autres gens, ou avec la personne quand elle revient, parce qu’elle le mérite, parce qu’elle a fait pareil au préalable, parce que de toute façon on vous punit alors que vous essayez de faire les choses bien. Mais si j’ai bien appris quelque chose au cours de ma vingtaine, et qui m’a vraiment bien été utile au cours de mes premières années le pied dans ma trentaine, c’est que l’on ne devrait jamais devenir une personne moins bien, simplement pour se venger des mauvaises personnes qui nous ont porté préjudice.
Comment éviter de se faire ghoster ?
On aimerait que la réponse soit logique et efficace en suivant quelques techniques savamment étudiées. Mais les ghosteurs, c’est un peu comme les chocolats à la liqueur ; on pense pouvoir les reconnaître après s’être faites avoir autant de fois, et puis alors qu’on était certaines d’avoir trouvé le praliné gianduja, on se rend compte qu’on a un Mon Chéri déguisé. C’est amer, c’est pas bon, et ça donne franchement la nausée. Mais si on dit que l’on ne nous y reprendra pas de si tôt, que de toute façon les chocolats c’est bien simple ; c’est fini… on décide de rouvrir la boîte, parce que pour quelques Mon Chéri déguisés, il y a toujours un praliné gianduja qui est là, quelque part ; un peu caché, un peu tapi dans l’ombre, et que l’on finit par trouver, pour le plus grand bonheur de notre goûter, et de notre vie.