mettre des chaussettes hautes ne suffit pas à me faire me sentir plus jeune

La musique de la ps4 est trop forte, d’ailleurs je ne sais même pas comment on allume notre ps4, j’ai déjà eu une hernie discale, j’aime pas dîner dans les endroits trop bruyants, j’ai des tupperwares, j’ai un sérum à l’acide hyaluronique, je suis mariée, j’ai acheté une voiture, je ne dors (presque) plus dans les aéroports si j’ai une longue escale… je crois que je peux le dire sans trop d’incertitude ; j’ai 35 ans. 
Et la plupart du temps, je suis hyper à l’aise avec ça. Parce que comme je l’avais lu quand j’avais une vingtaine d’années en me disant que c’était absolument pas vrai ; à 35 ans, on est franchement plus à l’aise avec soi-même. On a moins besoin de l’avis des autres, ou du moins on choisit les personnes dont on veut l’avis, et on a fait (un jour sur deux, versus un jour sur 254) la paix avec son corps.

Avoir 35 ans, c’est plutôt bien. Mais certains jours, alors qu’on se réveille le visage froissé, non pas parce que l’on a trop bu la veille, mais simplement parce que l’on a dormi sur le côté — foutue gravité — et que douze litres d’acide hyaluronique ne suffiront pas à rendre à notre visage un aspect que je qualifierai de tolérable ; avoir 35 ans, c’est plutôt chiant.
En général, alors que je suis déjà d’une humeur aussi peu lisse que mes joues après avoir vu les traces de couettes gravées sur mon visage à tout jamais, je me dis ; pourquoi s’arrêter là, autant y aller à fond.

Je navigue alors de vidéo Insta en vidéo Insta, regardant des filles se prendre en photo les yeux fermés — what now — en se faisant des jus détox tout en travaillant sur des écrans floutés parce qu’elles sont sur un super projet dont elles nous parleront très bientôt.
Spoiler alert ; elles n’en parleront jamais et il s’agit en fait d’un post Insta pour une collab gymshark. Puis je regarde de nouveau mon visage dans le miroir, toujours aussi marqué par la couette, et dont les plis se confondent avec mes propres rides qui semblent désormais celles d’une grand-mère de 94 ans.

Dans un élan de self destruction, je décide de me faire un thé plutôt qu’un café car j’ai lu que c’était terrible pour l’estomac de boire du café quand on n’a pas encore mangé le matin. Je me prends un thé de Noël — étant donné que j’en ai acheté 12 paquets il y a trois Noël puis deux paquets chaque année qui a suivi — et j’enfile une tenue pour aller marcher sur le front de mer. Et dans un élan désespéré, je mets un short, avec des chaussettes blanches, hautes. Je sais que je ne dupe personne, que la millennial que je suis ne mérite que des socquettes tristes qui se faufilent sous la plante des pieds à chaque pas, mais moi aussi, ce jour-là, je veux être that girl.

Moi aussi, ce jour-là, je veux avoir le petit truc qui ressemble à un blaireau pour faire mon matcha sans grumeaux, je veux porter du sportswear même quand je ne vais pas à la salle, moi aussi je veux boire un café sur un estomac vide sans avoir des brûlures d’estomac ou pouvoir faire des crunchs à la salle sans me faire rappeler à l’ordre par mon ancienne hernie discale que j’ai eue en jouant au padel à Bali avec des petites soquettes qui n’arrêtaient pas de rouler sous mon pied, nous crispant un peu plus ma hernie discale et moi.

Mais la vérité c’est que parfois, mettre des chaussettes hautes, ça ne suffit pas à me faire me sentir plus jeune ; bien au contraire. Ça a le même effet que lorsque je booke une chambre solo dans un hostel parce que tous les hôtels étaient hors de prix. Je me sens vieille. Parce que faire des trucs de jeunes, ça ne nous fait pas nous sentir jeunes du tout, bien au contraire.
C’est un peu comme la salle. Être entouré de gens sans muffin top, ça ne me fait pas me sentir mince. C’est mathématique. Si tu as une blueberry qui n’est pas aussi lisse que les autres ; tu ne vois qu’elle dans la boîte. La salle, c’est pareil. Et pourtant, j’y vais quatre fois par semaine, mais quand je suis dans un cours avec un niveau au-dessus, on ne voit que moi, la petite blueberry pas lisse. Avec ses chaussettes montantes.

Ce n’est pas que j’ai envie de faire moins jeune que mon âge, c’est plutôt que parfois, je ressens l’irrépressible besoin de me dire que je peux encore faire ci et ça, que je ne suis pas trop de l’autre côté de la barrière pour que ce soit ridicule.
Que je peux encore aller danser, que je peux encore ne pas savoir, que je peux me faire appeler Mademoiselle — oui je sais c’est pas féministe tout ça, mais les Madame qui sortent de la bouche des personnes de vingt-cinq ans sont tellement douloureux — que je peux booker un week-end à Ibiza même si l’on ne va que randonner, boire ¾ de green juices pour ¼ de sangria et aller se coucher à 23h.
C’est ce besoin de savoir que même si je ne le fais pas, si je change d’avis, je peux le faire. Un peu comme ce paquet de cigarettes que l’on garde bien planqué quelque part chez soi, tellement planqué qu’on ne sait même plus où il est. Mais il est là, dans une petite boîte “au cas où”. 

J’ai pris goût aux chaussettes blanches montantes, mais je ne veux pas faire moins que mon âge. Enfin je ne veux pas vouloir faire moins que mon âge. Alors dans un élan désespéré de trouver un équilibre j’ai gardé les chaussettes blanches hautes, mais j’en ai pris une paire avec écrit don’t kale my vibe. 

Entre le design GenZ et la blague boomer, je me dis que ça s’équilibre.

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