Donde esta el fuckin puede?*

Quand j’étais petite et qu’on allait à Ibiza – ouais c’était stylé – je voyais toujours marqué sur les paquets de cigarettes « Fumar puede matar ». Je ne comprenais pas parce que j’avais 8 ans et que le seul truc qui me faisait me poser des questions c’était de savoir si j’allais prendre Honda ou Blanka à ma prochaine partie de Street Fighter.

Puis j’ai grandi, et comme beaucoup trop de gens, j’ai acheté des cigarettes. Et quand j’ai commencé à les acheter ou à me les faire ramener d’Irun – ouais c’était beaucoup moins stylé – j’ai compris que fumar puede matar, ça voulait dire la même chose que ce que l’on mettait sur les paquets français « Fumer peut tuer ».

Il y a quelques semaines, je suis retournée à Ibiza. Revoir les mêmes endroits, sentir les mêmes odeurs, se brûler les pieds sur le même goudron, c’est fou cette capacité du souvenir.

Rien n’avait changé.

On essayait toujours de nous refourguer des dream catchers, les tatouages au henné étaient toujours d’actualité et les tresses brodées dans les cheveux n’avaient pas pris une ride.

Mais sur les paquets, fini les fumar puede matar. Ils accueillaient désormais un aggressif « Fumar mata ».

Rien de bien changé à première vue, la cigarette, comme pas mal d’autres choses, est mauvaise. Mais en enlevant ce puede, j’ai eu l’impression que l’on nous enlevait aussi quelque chose dont on a parfois besoin, pour se rassurer, avoir moins peur, ou tout simplement oser : on nous enlevait le bénéfice du doute.

Le bénéfice du doute, c’est pourtant ce qui nous permet de réfléchir tout en ne payant pas directement le prix d’une décision arbitraire, c’est ce qui permet aux personnes de bénéficier d’un jugement équitable, de donner une chance à une personne que l’on ne connaît pas, de ne pas abandonner après un premier échec.

Le bénéfice du doute c’est ce qui nous permet d’avoir une chance, une opportunité. 

Avant, fumait pouvait tuer. Avoir un job pouvait parfois être compliqué, on pouvait parfois en avoir marre de ses amis, tomber amoureux pouvait potentiellement mener à une rupture, l’été pouvait se faire attendre, on pouvait souffrir, se poser des questions à un moment T de sa vie.

Le temps a passé, on hésite toujours entre Blanka et Honda, mais pour le reste, on a désormais cette étrange sensation que quoi que l’on fasse, on finira par le payer, alors autant ne pas y aller.

Alors que ce qui est bien avec le bénéfice du doute, c’est que l’on a 50% de chances que cela nous réussisse, que l’on soit heureux, que la personne soit innocente, que la rencontre soit belle, que l’on gagne notre partie, que le plat au restaurant soit bon, que l’on se marie et ne divorce pas, que l’appartement soit bien isolé, que le pays nous plaise, que la soirée soit géniale et que les tresses brodées dans les cheveux reviennent à la mode.

Alors je propose que l’on œuvre pour la réhabilitation du puede, du moins dans la vie.

*ça veut dire rendez-nous le puede ou on vous casse les genoux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *