la phase d’adaptation

Je déteste les phases d’adaptation. Sortir de sa zone de confort ; okay. Découvrir de nouvelles choses ; okay. Rencontrer de nouvelles personnes ; okay. 

Mais les phases d’adaptation, elles, sont toujours des périodes pendant lesquelles j’ai l’impression que rien ne va.

Cela me fait penser aux premières heures de surf. On boit des litres d’eau salée, on a de la crème solaire dans les yeux, il y a plus de noeuds dans nos cheveux que dans nos écouteurs et alors que la journée se termine et que l’on croit avoir passé le pire, on découvre les traces horribles de combinaison et les courbatures de muscles endormis depuis des années.

Alors on se sent arnaqué. Nous, on voulait faire du surf ; ce sport sexy qui sent le monoi, grâce auquel on aura la peau caramel et les cheveux ondulés naturellement.

Et au final, on marche comme un acteur d’un Western Spaghetti, on a le nez de Coluche et l’équivalent de 18L d’eau salée dans les nasaux.

Les phases d’adaptation sont des sortes de purges ; on rejette tout ce que l’on était avant, tout ce que l’on pensait savoir, pour s’adapter à notre nouvel environnement. Et pour pouvoir s’adapter, il faut le mériter. Et ce qui est incroyable avec les phases d’adaptation, c’est que l’on oublie à quel point elles peuvent être dures. Quand on se souvient des mois passés à s’occuper des animaux à l’autre bout du monde, on pense au bronzage, à la silhouette obtenue par le travail quotidien, aux cocktails sur la plage, aux câlins des animaux, aux personnes incroyables rencontrées. Mais l’on oublie les coups de soleil des premiers jours, les courbatures de la première semaine, les coupures, les morsures, les griffures, la solitude, les difficultés de se déplacer sans transports, la misère, les problèmes d’électricité, les heures à suer en portant des charges de plus de dix kilos, à la fatigue chronique.

Quand on est installé dans son appartement bien décoré et rangé à la perfection, on ne pense pas à ces jours où l’on dînait sur un carton, où l’on n’avait pas encore sa Freebox, où le frigo n’était pas branché parce qu’il ne faisait finalement pas les bonnes dimensions, au lit qui nous servait de bureau / chaise / canapé / table à manger une fois que le carton lâchait.

Quand on finit sa première course, on se sent invincible, on est empli de fierté, on se dit que l’on peut tout faire. Mais l’on oublie l’espace d’un instant les pâtes complètes englouties au saut du lit, les centaines de cloques aux pieds, les tétons endoloris, les sessions sous la pluie, sous la neige, sous le vent (coucou Garou), sous 40°c. Les anniversaires / soirées / pots de départ ratés, les réveils à 6h du matin même le dimanche, les chutes quand on est trop fatigué.e pour lever les jambes.

Quand on remporte son premier combat, on a envie de hurler, de pleurer, d’embrasser l’arbitre, on se dit que le prochain champion, c’est nous. Que l’on va parcourir le monde entier pour combattre et asseoir sa position. Mais l’on oublie les entraînements à prendre des coups, les coups de mou à pleurer à l’abri des regards, les pommettes, côtes et arcades cassées. Les moments où l’on est malade après l’entraînement tellement on est vidé.e de ses forces. Les regards lourds de sens quand on est dans une salle masculine mais que l’on veut rester et assumer son choix. 

Les phases d’adaptation sont dures. Elles sont cruelles, et parfois moches. Mais sans elles, les moments de bonheur n’auraient pas ce goût si doux. Se lever de sa planche ne procurerait pas cette sensation si incroyable si l’on avait pas bouffé autant d’algues les jours précédents. Mais n’oublions pas ces jours précédents. Ne les détestons pas. Apprenons à nous en souvenir.

La première fois que j’ai couru une vraie course, c’étaient les 20 kilomètres de Paris. Il a grêlé pendant toute la course, j’avais envie de mourir, je m’étais promis de courir cette course parce que je sortais d’une semaine d’hôpital et que j’avais besoin d’un but. Et quand j’ai voulu marcher au 19ème kilomètre, un mec que je n’avais jamais vu de ma vie est passé en courant à côté de moi et m’a dit « NON, PAS MAINTENANT ». Je suis repartie direct, j’ai fini les 20 kilomètres, sous la grêle, et en passant la ligne d’arrivée, j’ai ressenti une telle joie de ne pas avoir marché.

Mais il n’y a pas toujours quelqu’un pour nous crier « NON, PAS MAINTENANT ». Alors soyez cette petite voix, soyez VOTRE petite voix, et même si c’est parfois dur, même si l’on a envie d’abandonner, que l’on a envie de rallumer une cigarette, de retourner à la maison via le premier avion, de noyer le dry January à coup de shots, d’arrêter de chercher la table basse que l’on veut et de garder ce carton, de ne faire que la moitié du tatouage, de passer au body board, de chercher un job facile qui ne nous plaît pas, d’abandonner l’entraînement et de manger des Pringles en regardant Netflix ; il ne faut pas oublier que derrière cette putain de phase d’adaptation, il y a la fierté, et le bonheur. 

Alors « NON, PAS MAINTENANT ».

Love

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