La tendresse

Dans tout ce marasme ambiant que l’on voit défiler sous nos yeux, j’ai pu observer des gestes qui me secouent à chaque fois que j’en suis témoin, qu’ils me concernent directement ou pas. Des gestes que l’on observe que trop rarement, pas parce qu’ils n’existent pas, mais parce que l’on est trop souvent occupés à regarder le mauvais, le nocif, préférant être cynique, critique, méchant. Et pourtant, ces gestes-là, sont de ceux qui me font tellement de bien à l’âme, que j’avais envie d’en partager quelques uns. Certains personnels, d’autres pas. Parfois autour de personnes que je connais, parfois issus de bribes de scènes avec des inconnus.
La tendresse, c’est comme le sable en rentrant de la plage, ça s’insinue partout, dans tous les petits coins. On en retrouve des jours durant, alors que l’on ne s’y attend plus. Et même si elle est parfois surprenante, elle nous ramène toujours à des moments de pur bonheur.
Vous reprendrez bien un peu de tendresse ? C’est parti.

La tendresse, c’est mon père qui me sort la poêle et les oeufs tous les soirs sur le comptoir de la cuisine pour que le matin je n’aie rien à sortir pour me préparer mon omelette.

La tendresse, c’est la petite main de ma nièce, 3 ans, dans la main de son arrière grand-mère. Ma grand-mère, 98 ans, tient avec amour cette petite main que trois générations espacent. Laquelle s’accroche à l’autre, on ne peut pas le dire. Je les regarde s’observer en se souriant, en marchant maladroitement.

C’est le bras d’un homme de 140 kilos qui s’ouvre pour laisser poser une tête après l’amour. Avec un geste timide, délicat, pour éviter tout mouvement brusque qui risquerait d’abîmer cette tête qui vient se lover contre lui.

C’est mon père, 77 ans, qui raconte à sa petite-fille pourquoi il n’a plus de cheveux. “Un jour, il y avait beaucoup de vent, et tous mes cheveux se sont envolés et sont venus se coller sur mon torse”.
“C’est vrai tata ?”, me demande ma nièce.

Ce qui est vrai, c’est que cette histoire, je la connais bien. C’est celle que mon père me racontait il y a 25 ans quand je lui posais la même question.

La tendresse, c’est se lire les pages d’un livre par notes vocales interposées.

La tendresse, c’est se regarder et se sourire sans avoir besoin de se dire que l’on s’aime.

Mais c’est aussi se dire que l’on s’aime même quand on n’a pas besoin de se le dire.

La tendresse c’est mon père qui prépare le thé de sa mère tous les matins, accompagné de son pilulier pour être sûr qu’elle ne se trompe pas dans ses médicaments.

La tendresse, ce sont deux mains marquées par le temps, enlacées, en faisant le marché. Tous les samedis matins. Depuis plus de cinquante ans.

C’est partager le dernier sachet de mayo.

C’est embrasser une personne malade parce qu’on l’aime trop pour pouvoir se priver de ses baisers. Même pour quelques jours.

C’est se mettre à deux sur un matelas pneumatique et risquer de couler, plutôt que de s’y mettre seul et d’être sûr de rester au sec.Take that Rose.

C’est chasser les mouches de l’assiette de la personne avec laquelle on est en train de déjeuner sans même penser aux mouches qui sont en train d’attaquer son assiette à soi.

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