La théorie du cheddar râpé

Depuis quelques mois, ma relation à l’alcool a beaucoup évoluée. Sans parler de l’approche des trente ans qui se profilent à l’horizon, je pense qu’au cours de notre vie, beaucoup d’étapes nous font évoluer et nous poser des questions sur la manière dont on se comporte, nos priorités, et la personne que l’on voit dans le miroir tous les matins.

On a envie de s’écouter, de se connaître, et de prendre davantage le temps de faire ce qui nous paraît juste pour nous, et pour les autres. Puis la bonne nouvelle quand on prend le temps de n’être qu’avec soi, c’est que l’on a de longues heures pour faire une introspection digne de ce nom, pendant des vacances en solo par exemple.

L’alcool en France, et d’autant plus à Paris, c’est symbole de vie sociale ; d’amis qui se réunissent, d’un date où l’on apprend à se connaître, d’une soirée en boîte où on lâche prise, d’un resto avec son mec où l’on refait le monde en buvant une bouteille stylée, d’un barbecue en famille dans le jardin d’une maison avec le rosé qui vient nous rafraîchir et environ 282929 situations où vin, gin, pintes et autres verres de prosecco sont synonymes de moments joyeux à partager.

Et lorsque l’on ne boit pas d’alcool, ça énerve les gens. On passe pour la personne chiante qui ne sait pas rigoler, “profiter” et on finit par devenir la paria qui ne sera plus invitée aux afterworks, anniversaires, happy hours et apéros en tout genre. Mais vous vous doutez bien que ce qui inquiète les gens dans le fait d’être face à une personne qui ne boit pas, ce n’est pas la capacité de ladite personne à se détendre avec un Perrier rondelle, mais plutôt leur propre rapport à l’alcool qu’ils se prennent en pleine face. C’est le miroir qui renvoie un reflet qu’ils n’ont pas envie de voir. Le même reflet de ceux qui deviennent agressifs et désagréables lorsque quelqu’un parle de convictions, d’environnement, de végétarisme.

Voir les autres faire un choix raisonné nous rappelle que l’on n’a pas été capable de faire pareil et nous donne la sensation de ne pas être “aussi bien”.
Et lorsque l’on se sent critiqué, que cela soit dit ou ressenti, on se braque.
Il y a quelques temps, j’ai lu ​cet article​ très intéressant, d’une nana qui parle de son rapport à l’alcool. De ses années de où la bière coulait à flots, des soirées nanas arrosées aux Caïpis et autres cocktails colorés que les mecs ont honte de commander (lancez-vous les gars, ne prenez juste pas de paille en plastique et personne ne vous jugera) et de comment l’alcool faisait partie intégrante de sa vie. Et en y réfléchissant, encore et encore, je me suis rendue compte que l’alcool me rendait de plus en plus triste. Que je m’y retrouvais de moins en moins, et j’ai voulu savoir pourquoi.

Les problèmes de santé, le fait de ​vieillir ​grandir, voir des gens dans des états pitoyables, voir des gens juste bourrés quand je tourne à l’eau, être moi-même dans des états dont je ne suis pas fière, être fatiguée juste parce que j’ai bu deux verres la veille, avoir un sommeil perturbé même à cause d’une bière… Des constats qui m’ont fait remettre en question une consommation dont j’avais par ​habitude​ et via laquelle je ne ressentais plus de plaisir à proprement parler.
Puis j’ai compris en lisant des articles sur le sujet, en sortant avec des ami.e.s ou en réfléchissant à mes interrogations, que la consommation d’alcool nous rendait fainéants, et que c’était l’une des raisons pour lesquelles je ne m’y retrouvais plus vraiment.
Et cette culpabilité couplée à ce mal-être après avoir consommé de l’alcool (même un seul verre donc) m’a rappelée une sensation que je connaissais bien. Celle que je ressentais après avoir ingurgité des pâtes au cheddar.

Je m’explique.

Sept ans de végétarisme, des convictions fortes, et une envie de passer vegan qui me taraude depuis plusieurs années et qui ne fait que s’accentuer depuis quelques mois. Mais à chaque fois que je vais faire les courses, entre les kilos de fruits et de légumes, j’achète des pâtes fraîches et deux sachets de cheddar râpé, et à un moment de la semaine (souvent le soir-même parce que bon, on ne va pas se mentir quand t’as du chocolat ou une poire tu manges le chocolat) (ou tu fais fondre le chocolat et tu fais un gâteau poire chocolat) (bref tu ne fais pas une salade de

fruits quoi) je les engloutis en huit minutes, cuisson comprise. Et ensuite, je me flagelle pendant des heures. Je ne me sens pas bien physiquement, je me dis que je ne pourrais jamais devenir vegan, que mes heures de sport hebdomadaires sont ruinées, que ma peau va être grasse et que je vais passer une sale nuit.

Alors que la veille je me faisais des légumes crème de coco et gomasio, si beaux que si j’avais Instagram je les aurais pris en photo (non) en me disant que j’étais une adulte responsable et épanouie, glissant dans un sommeil sans rêve et reposant, j’étais tout d’un coup en train de me dire que j’avais raté ma vie et que tout ça n’était que ma faute à moi. Et celle des pâtes au cheddar. Mais surtout de ma faute à moi.

Mais les pâtes fraîches planquées sous le cheddar fondu, c’est comme le verre un jeudi soir. C’est simple. Au lieu d’aller voir une expo, de chercher quelque chose d’original à faire, de lire ou d’aller transpirer au sport ; un verre de rosé sur la terrasse du coin, c’est rassurant, c’est détente, on sait quel goût ça a.

Loin de là l’idée de blâmer les gens qui le font, et je le fais moi-même, et compte bien continuer à aller boire des coups avec les gens que j’aime, que ce soit un verre de rosé à la main ou un Perrier Citron. Mais tout comme le dry january, je pense qu’il faut s’écouter, et encourager ceux qui s’écoutent, que cela soit pour un jour, une semaine, un moins ou toute la vie. Que cela concerne la nourriture, le travail, le sport, l’alcool, le tabac, la drogue tout ce qui nous entoure et avec lesquels on galère parfois à trouver un juste milieu ou un arrêt total et définitif.

C’est déjà compliqué de s’écouter, alors si en plus les autres nous reprochent de trop le faire et nous tombent dessus dès que l’on n’est pas raccord avec ses démarches et envies, on ne s’en sort plus.

Alright alright comme dirait Matthew, mais du coup on fait comment pour être heureux, épanouis, cheddar free et fiers de nous du lundi au dimanche ?
C’est pas Vogue ici les gars, donc laissez-moi vous dire que ça ne passe pas par un soin de la peau à 400$ qui nous change la vie, et les pores. Mais ça peut passer par des réactions que l’on a par habitude et que l’on pourrait changer doucement, pour notre bien et celui de ceux qui nous entourent.

Laissez votre pote fumer une cigarette quand elle boit une bière si c’est ce dont elle a envie, et ne lui lancez pas un “ah bah t’as pas DU TOUT arrêté de fumer finalement” alors qu’elle est passée de 10 cigarettes quotidiennes à 1 cigarette hebdomadaire.

Mangez une raclette entre deux plats vegans préparés avec amour, et ne vous flagellez pas pour ça. Manger des patates recouvertes de fromage n’a jamais fait de quelqu’un une mauvaise personne. Mais écoutez votre corps et ne vous faites pas “mal” pour le payer au quintuple le lendemain le regard hagard devant votre pinte de citrate de bétaïne.

Buvez du Perrier quand tout le monde boit du Spritz si c’est ce que vous avez envie de faire. Et soyez-en fier.e.s.
Encouragez les végétariens, encouragez les vegans, encouragez tous les régimes tant qu’ils sont tenus par ​envie ​et ne sont pas​ subis.

En fait, faites ce que vous voulez, tant que vous en avez envie et que cela ne vous met pas en danger, et surtout encouragez les autres à faire de même. Que cela soit la solution de facilité, ou pas. Parce que le plus difficile, c’est de s’écouter et faire le choix d’aller au bout de ses envies, et surtout de respecter celles des autres. Comme dirait Taylor Swift, et Jésus, Aimez-vous les uns les autres quoi. Et mangez des légumes, c’est important les légumes.

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