Quand j’ai eu trente ans, j’ai regardé autour de moi, et j’ai réalisé que beaucoup de personnes avaient la vie que je ne voulais pas avoir.
Non pas que je trouve qu’il y ait une façon de vivre mieux qu’une autre, mais si l’angoisse de certains est de ne pas avoir trouvé chaussure à son pied en atteignant les big 3.0, la mienne était d’avoir une chaussure trop serrée, avec trop de lacets ou trop abîmée, juste parce que l’on m’avait dit que la société ne voulait pas trop que je marche pieds nus.
Je voulais ne pas savoir ce qui se passerait le lendemain, ni les jours d’après. Avec ou sans chaussure, la seule chose dont j’étais sûre, c’était de ne pas vouloir voir ce qu’il y avait au bout du chemin — et pas seulement parce que je n’y vois rien — ou si même si j’étais sur le bon chemin.
Une vie d’aventure à explorer des endroits que je ne savais pas placer sur une mappemonde, des gens rencontrés à chaque coin de rue, des visas à ne plus savoir quoi en faire, et des tatouages qui me permettraient de me souvenir de mes expériences vécues. Mais à chaque médaille son revers, et la vie de nomade — que je ne changerais pour rien au monde à l’heure où j’écris — a évidemment ses moments de doutes auxquels il faut faire face.
Je vois mes amis en couple qui sont avec quelqu’un depuis des années, une personne sur laquelle ils peuvent compter, leur repère, ce que j’aime appeler leur flotteur. Une sécurité avec laquelle on se sent bien, dont on souhaite la proximité parce qu’elle nous fait nous sentir en sécurité au quotidien, que l’on travaille notre confiance en soi grâce à elle, qu’elle nous permet de prendre des risques sans nous mettre (trop) en danger. Les flotteurs sont pour moi des éléments qui nous permettent d’avoir un équilibre et de rester sain dans sa tête, de ne pas s’envoler au moindre coup de vent, de ne pas se laisser emporter par le large dès qu’il y a un peu trop de mouvement d’un seul coup.
Les flotteurs, ce sont les constantes de nos vies.
Cela peut être une personne, l’odeur de son chez soi, son chien, le brunch du mercredi avec notre copine, le café que l’on prend en arrivant au travail, le coup de fil hebdomadaire à son père, son cours de sport du jeudi soir, l’odeur de son enfant quand on le réveille le matin.
Autant d’éléments qui nous permettent de nous repérer. Des loupiotes qui font que l’on y voit clair même quand tout paraît s’assombrir.
Mais quand on voyage seul, les flotteurs, c’est dur à trouver.
Ce sont nos convictions, nos habitudes que l’on ne garde que pour un court moment, les gens que l’on rencontre et qui partagent une bribe de vie avec nous avant que l’on ne s’en sépare pour continuer chacun notre route de notre côté. Ce sont les endroits que l’on appelle “home” pour quelques nuits, le resto du bout de la plage qui a un bon wifi, le dessin de notre nièce que l’on garde dans son portefeuille, un message vocal que l’on écoute quand on a un coup de blues.
Mais notre flotteur principal ; c’est nous. On est sa propre bouée, son propre repère, et ça ne suffit pas souvent. Disons que ça peut se dégonfler rapidement, et dans ce cas là il faut vite se rattraper aux autres petits flotteurs qui sont autour de nous, sous peine de boire la tasse. Mais il y a des moments où l’on se dégonfle, où malgré tous les efforts que l’on déploie, on ne parvient pas à flotter comme on le voudrait et où il est nécessaire de prendre un peu de recul pour se recentrer. Se laisser dépasser quand on est seul, c’est assez facile. Tout va très vite, on rencontre plein de gens, on dit oui à tout, on veut tout voir, tout faire, et quand on se rend compte que l’on ne tient plus le rythme, on réalise que c’est plutôt normal que l’on ne le tienne plus. Que l’on ne veut pas vraiment le tenir, parce que c’est trop.
C’est à ce moment-là qu’il est temps de se regonfler ; nous, notre flotteur principal. Parce que même en étant très bien entouré, si l’on ne prend pas soin de nous, personne ne le fera à notre place.
Alors on inspire, on se recentre, on se met en mode avion et on s’écoute.
Step 1 – On s’écoute SOI
A force de vouloir tout faire avec tout le monde (bande de coquins), on subit davantage que l’on ne profite, et les expériences que l’on vit finissent par n’être qu’une longue to do list Tripadvisor versus des moments qui resteront gravés dans notre mémoire. Alors à chaque fois que l’on nous propose quelque chose, on prend le temps de se poser et de se demander si l’on a vraiment envie de le faire ou si on le fait pour faire plaisir aux autres et / ou pour pouvoir dire « oui j’y étais ». Ca paraît évident mais croyez-moi ça ne l’est pas tout le temps.
Et ce n’est pas la « beach party » en journée à laquelle je suis allée, avec des gens défoncés avec tous les types de drogues possible qui vomissaient à 14h alors que je buvais de l’eau en me demandant ce que je foutais là, sans aucun moyen de quitter l’île avant 22h, qui me fera dire le contraire.
Alors on sélectionne ce que l’on fait. Dire non ne fait pas de nous une personne chiante, et si certains disent le contraire, ce n’est pas vraiment grave. Moins grave que de subir une activité que l’on n’avait pas du tout envie de faire.
Step 2 – On éteint les bruits
On a parfois tellement envie de profiter des rencontres que l’on fait (coquins bis) que l’on finit par ne plus jamais passer de temps avec soi-même. Et les gens, c’est comme la nourriture. Si le jeûne intermittent remet tout en place et permet de savourer encore plus quand on remange le jour suivant, faire une pause avec les gens nous permet de profiter de nous et de ne pas saturer sans même avoir pu voir les signes avant-coureurs. Alors on laisse ton téléphone dans un coin et on écoute se pose : sans écouteurs, sans notes vocales WhatsApp, sans enceinte, pour que le silence soit notre seul bruit de fond.
Step 3 – On comprend que penser à soi et à son bonheur, ce n’est pas être égoïste
On a tous nos travers qui sont le travail d’une vie. Ou de deux. Ces façons de faire ou de penser qui ne nous rendent pas heureux mais desquels il est si difficile de se débarrasser. Parce que l’on nous a toujours dits que c’était comme ça qu’il fallait faire, parce qu’ils sont tout ce que l’on a connu, parce que la plupart du temps on ne se rend même pas compte du schéma dans lequel on s’engouffre la tête la première.
Alors on identifie notre travers et on se donne les moyens de travailler dessus pour se libérer de ce qui nous plombe. Même si cela veut dire que l’on se met — enfin — avant les autres. Parce que penser à soi, ce n’est pas être égoïste, c’est être conscient que notre santé mentale est primordiale.
Step 4 – On comprend qu’avoir besoin de ceux que l’on aime, ce n’est pas être faible
Pour regonfler son flotteur, pour se regonfler soi, s’écouter et faire ce que l’on a envie de faire pour notre santé mentale ; c’est primordial. Mais notre santé mentale, du moins la mienne, passe aussi par les gens que j’aime et qui m’aiment. Qu’ils soient dans le même canapé que moi, ou sur un autre continent. Et j’ai besoin d’eux, de leur voix, de prendre des petits dej à distance avec eux, de refaire le monde, les écouter, savoir qu’ils sont là pour l’écouter, de leur bienveillance, leurs conseils… de leur amour. J’ai mis du temps à comprendre ça, mais depuis que je l’ai intégré, j’ai la sensation que mon équilibre est tellement plus fort. Admettre que l’on a foncièrement besoin de ceux que l’on aime et qui nous aiment est selon moi tout aussi dur que d’admettre que l’on a parfois des gens dans notre vie qui ne devraient plus y être. Alors on accepte que si certaines personnes sont néfastes pour nous, ou que l’on a simplement pas envie de les avoir dans notre vie, d’autres sont nécessaires à notre bonheur. Et j’aime à croire que je suis nécessaire au leur.
Step 5 – On garde ces étapes en tête et on les répète quand on sent que l’on se dégonfle
Parce que ce n’est pas un travail ponctuel, mais des efforts continuels à répéter autant de fois que nécessaire. Et même si l’on a l’impression que l’on tourne en boucle, se recentrer c’est exercer son cerveau à devenir attentif à nos besoins, et plus on le fait, plus on a envie de le faire car la différence sur notre bien-être est flagrante. Du moins ça l’est pour moi. Et pour savoir si ça l’est également pour vous, il n’y a qu’une façon de le savoir.