Linkedin vs Tinder ; ou comment la recherche d’un job et la quête d’un mec sont en fait exactement la même chose

Alors que je discutais avec ma grande soeur par message de sa recherche de job et d’un mail de refus qu’elle venait d’essuyer malgré son profil génial (si l’un de vous a une boîte qui recherche une assistante de direction qui sache gérer la vie de 200 personnes en moins de 8 minutes, n’hésitez pas à me mettre un mot) ; l’un de ses messages m’a particulièrement marquée : “c’est dur de se dire qu’il faut tout recommencer alors qu’il n’y a rien”. Son message me faisait tellement écho, mais pas pour le boulot. Je lui ai alors répondu “ta recherche de job = ma vie amoureuse”. 

Et là, ça a fait tilt. 

Rechercher un job ou un mec, même combat. Et avec le contexte actuel, laissez-moi vous dire que c’est tous les jours le jeudi noir.

Mais comment est-ce que l’on peut ressentir des choses si similaires dans la quête de ces deux piliers de la vie alors qu’ils sont à première vue très différents l’un de l’autre ?

Parce que dans les deux cas, on cherche un idéal, et que notre capacité à le trouver ne dépend pas que de nous, mais aussi que les éléments extérieurs sont assez similaires dans les deux quêtes. Mais surtout, parce que l’on traverse les mêmes phases dans les deux situations. 

Vous ne me croyez pas ?

le CV

Quelques lignes pour donner envie de nous contacter. Jamais évident de savoir ce que l’on met, ce que l’on cache, ce sur quoi l’on ment. Ne faites pas les abasourdis, je sais que vous mentez sur Linkedin. Et Tinder. 

Bien que pour Linkedin, les choses soient plus concrètes ; on a des diplômes, des expériences dont nos employeurs peuvent témoigner. Mais en relation amoureuse, comment savoir nos vraies qualités ? Si tant est que l’on en ait. Si l’on en avait, on ne serait pas à essayer de faire un CV amoureux à 2h31 un mardi soir, si ? La confiance en soi en prend un coup dès que l’on commence à se poser des questions que l’on s’était promis de ne plus se poser. Alors on demande conseil à nos amis : “Tu peux me recommander sur Linkedin ?” “Je mets quoi sur Tinder ? Vous mettez des emojis vous ? ”

Et puis dans le pire des cas, on apprendra vraiment à faire du kite surf une fois qu’il sera tombé amoureux. Et les diplômes, ce ne sont que des bouts de papier, non ?

la recherche

Ou la phase d’excitation maximale. Rien ne peut nous arrêter. On a envie de trouver, et on est DÉ-TER-MI-NÉ. Puisque tout le monde semble épanoui dans sa vie pro et perso, pourquoi cela ne pourrait pas être notre cas, hein ? On va trouver ce que l’on veut, et plus encore. On y passe des heures, on est organisé, on parle de chaque envoi de mail, de chaque match, on analyse chaque entretien, on refait chaque conversation et on demande l’avis de tout le monde, en écoutant évidemment seulement ceux qui vont dans notre sens. Les autres de toute façon ils n’y connaissent rien, ils n’étaient pas là.

les critères

Pour trouver ce qui fera définitivement notre bonheur, on est méticuleux. Que cela soit dans notre façon de faire, mais aussi dans notre façon de trier. Trouver, oui. Trouver quelque chose qui ne nous plaît qu’à moitié ; non. Alors commence la liste — que dis-je — LA LISTE des critères. Et comme toute liste qui se respecte et qui ne sert à rien, elle est beaucoup trop étoffée. Mais à ce moment-là, elle nous paraît tout à fait raisonnable. Il paraîtrait que certaines personnes ne font pas de liste, on n’en connaît pas, et franchement à ce moment-là, on n’a pas envie d’en connaître. Parce que si c’est pour nous dire que l’on ne trouvera jamais notre étranger, qui parle plusieurs langues, adore voyager, a fait du sport à haut niveau, est tolérant / sensible / éduqué / poli / hilarant, qui n’a jamais été marié avant et n’a pas d’enfants d’une précédente union, le tout pour un minimum de 95 kilos ; franchement ça ne sert à rien. Et que le premier qui lève le moindre poil sourcilier pour nous dire que le marché en pleine pandémie ne possède pas de job à 40K dans la communication à dix minutes de chez nous avec des horaires fixes, un patron respectueux et tolérant, des avantages de grosse entreprise et une équipe dynamique qui ait moins de 50 ans, aille voir chez Pôle Emploi si l’on y est.

Incroyable ces gens cyniques je te jure.

la rencontre

“Oui, il a déjà été marié, mais il me fait tellement rire que la dernière fois j’ai failli recracher mon ugali par le nez” “C’est à trente minutes de la maison, mais de toute façon avec cette pandémie, je serai en télétravail la plupart du temps”.

Les critères nous paraissent être un lointain souvenir, de toute façon on s’en fiche, on se fiche de tout, tout a l’air génial, on a l’impression que les couleurs sont plus vives, que tout sent meilleur (vous n’avez jamais eu le covid vous hein), et que le bonheur est au bout du couloir. Oui, juste au fond à droite et c’est bon vous y êtes.

le début de la fin

“Il ne me fait pas flageller les jambes” “Les projets ne sont pas toujours super intéressants”

La petite voix que l’on ne voulait pas entendre ; la nôtre. Celle dont les murmures échoent plus fort que des cris. On se dit que l’on devrait peut-être faire une liste… Une nouvelle ? Celle des pours et des contres. Et avant même de chasser cette idée de notre esprit, on sait que c’est trop tard, que quelque chose est cassé. 

Que “ce n’était pas le bon”.

la déception

Ah. Donc le bonheur il était au fond à droite derrière l’autoroute que l’on a essayée de traverser sans regarder des deux côtés c’est ça ? La déception est tellement, tellement dure. On tente de se consoler, de se dire que c’est pour le mieux, mais on se sent un peu vide. Comment font les gens pour trouver flip flop à leurs pieds sans ne jamais avoir d’ampoules ? A croire qu’aucune paire ne nous va et que même si l’on aime marcher pieds nus, on en a décidément marre de s’enfoncer des échardes à tous les coins de parc.

le rejet

Peut-être qu’aucun boulot ne nous correspond, que notre futur mari est déjà marié et que l’on poursuit quelque chose qui n’existe pas. Est-ce que l’on ne ferait pas mieux de trouver quelque chose qui aille à peu près plutôt que de courir — pieds nus — derrière un idéal qui n’est visiblement pas réel ? 

Un job passionnant c’est illusoire, c’est ce que l’on a vu dans des Teds, mais avant les Teds, les gens vivaient avec des jobs qui leur permettaient juste de payer leurs factures, et ils le vivaient plutôt bien, non ? Une “better half” que l’on aimerait pour elle et qui nous permettrait de nous sentir complet, c’est un peu anti-féministe, non ? On se suffit à soi-même. Et puis nos amis, notre famille ; peut-être que cela devrait être assez et que l’on pourrait se contenter d’aller d’aventure en aventure en profitant de notre jeunesse. Les histoires qui finissent bien avec une BO estivale aux notes de road trip californien ; c’est bon pour les adaptations de Nicholas Sparks, pas pour la vraie vie.

le rebond

Une vidéo d’une nana qui a tout lâché pour écouter sa petite voix intérieure et devenir écrivaine, un couple que l’on voit dans la rue qui s’aime d’un vrai amour que l’on ne peut pas prétendre ni ignorer…

Un signe. Un foutu signe que l’on avait arrêté de chercher, et qui nous a trouvé. Voilà qui nous repousse à faire ce que l’on fait de mieux en tant qu’humain ; se battre pour aller là où l’on a envie d’aller, ressentir ce que l’on veut ressentir, et trouver un sens à ce bordel que l’on appelle la vie. Alors on y va ; Linkedin, Tinder, un bar, un contact ; on se lance, un peu plus fébrile au début, un brin plus cynique qu’avant, mais avec toujours l’espoir de trouver ce que l’on a dit que l’on ne nous reprendrait plus jamais à chercher.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *